Une fois n'est pas coutume, je voulais écrire un témoignage positif de l'éducation nationale, vécu en direct. Car parfois l'école fait du bien et c'est important de le souligner aussi, de le proclamer, de le partager!
Après une année de CM1 épouvantable pour notre fils (phobie scolaire jusqu'à ce qui pouvait ressembler à une dépression), un passage express par une école privée hors contrat qui a empiré les choses et une toute fin d'année descolarisé où il ne pouvait plus rien faire d'autre que dormir, se cacher sous son matelas (dessous, oui) et reprendre des forces, nous nous sommes retrouvés en juin dernier absolument démunis.
Nous avons alors décidé de prendre contact directement avec l'Inspectrice de l'Education Nationale (IEN) de notre circonscription pour lui demander ce que l'école publique avait à proposer à notre fils qui ne rentrait pas dans le moule scolaire et en souffrait. Nous avons pris rendez-vous avec elle et ce rendez-vous a été le point de départ d'un cercle vertueux qui a fini par réconcilier notre enfant (et moi avec?) avec l'enseignement collectif. L'inspectrice a écouté notre parcours et nous a répondu que l'école publique avait pour mission de s'occuper de chacun des élèves et qu'il existait des moyens d'aménager l'école jusqu'à ce que l'enfant reprenne confiance en lui et en l'école.
Nous avons décidé ensemble à l'issue de ce rendez-vous de rescolariser notre fils dans son école initiale, l'école publique de notre quartier, à la rentrée (en septembre dernier) en nous entourant de toute l'équipe éducative. Nous avons saisi la maison du handicap pour pouvoir mettre en place un aménagement pédagogique et un temps partiel. Nous avons été mis en lien avec l'Enseignante référénte et c'est avec ces outils-là que notre fils a repris le chemin de l'école pour entamer son CM2. Où il a eu la chance de tomber sur une enseignante en or.
Nous avons depuis septembre eu des réunions avec l'équipe éducative une fois tous les deux mois environ (La maitresse, la directrice, l'enseignante référente, la psychologue scolaire, le père, la mère, la psychomotricienne et la psychologue de ville qui suivaient notre fils en privé, et l'enfant était convié lui aussi, même si là il na pas toujours souhaité venir).
Il a commencé par aller à l'école deux jours par semaine (il était callé sur mes jours de travail). Mais ça n'a pas tenu longtemps, alors il est passé à 4 demi-journées. C'était aléatoire, parfois le matin, parfois l'après-midi, plutôt à la carte, avec l'accord de la maîtresse qui a fait preuve d'un sacré lâché prise (et nous aussi) parce que pendant certaines périodes il y avait de grands trous dans l'emploi du temps... J'ai pris le relais à la maison en reprenant le travail manqué en classe (ça nous prenait au plus une demie heure). Les autres élèves ont été informés de son cas particulier, ils ont pu en discuter entre eux et avec la maitresse. Petit à petit, notre fils a réussi à venir par demi journées fixes. C'était au mois de décembre. Ca ressemblait déjà un peu plus à un rythme régulier. Il commençait déjà à aller un peu mieux, il a d'ailleurs à ce moment-là décidé d'arrêter le suivi avec la psychologue.
Et puis il y a eu la classe de neige au mois de Janvier avec tous les CM2. Après de longues semaines de maturation, il s'est senti prêt à y aller. Il a réussi à partir les 10 jours comme les autres (l'année précédente il ne pouvait plus dormir ailleurs qu'à la maison tellement les angoisses étaient fortes). Il a juste eu besoin de nous passer un coup de fil au deuxième jour avec l'accord de la maîtresse et c'était réglé. Il est revenu de la classe de neige enchanté, nous avons alors saisi l'élan engendré par cette formidable expérience et le déclic s'est opéré (par magie? on pourrait croire que c'est par magie oui, dans un sens que dans l'autre, tant il suffit d'un rien pour sombrer dans un cercle vicieux et quel soulagement de se rendre compte que l'on peut en sortir avec la même instantanéité!). Nous l'avons encouragé à reprendre l'école au rythme des autres enfants, de tenter des journées complètes, nous sentions qu'il en était capable, que les angoisses paralysantes n'étaient plus là. Il se sentait prêt lui aussi.
Depuis la mi-janvier, il a repris l'école à temps complet. Il a tenu le rythme jusqu'aux vacances. Et surtout, surtout, il y trouve du plaisir. Il râle parfois, il a peur, il est contrarié, il est triste ou en colère, il n'aime pas tout ce qu'il y fait, mais il s'y sent bien, il s'y sait en sécurité, il a confiance en sa maîtresse, il se sait respecté. Toutes les émotions sont les bienvenues quand on sait qu'on a la possibilité de les verbaliser et de les dépasser. Il a des amis précieux et il se surprend à aimer -à petites doses, hein, n'exagérons rien!- des matières qui le bloquaient quelques temps avant (écriture ou dessin par exemple...).
C'est une renaissance pour nous tous après ces longs mois à avancer à l'aveuglette. Je suis convaincue que cet exploit a été rendu possible par l'investissement de tous les gens autour de lui, par une bonne dose de patience, de compréhension, de lâcher prise et de confiance de la part de chacun. La maîtresse, la directrice, les copains, les parents des copains, la psychologue, la psychomotricienne, la famille. On est tous sortis d'une idée préconçue de ce qu'il devrait faire ou être et on s'est mis à l'écoute de ce qu'il était, de ce qu'il voulait faire, de ce qu'il pouvait faire. On est tous partis de là et finalement d'où d'autre aurions-nous pu partir ?
Il y a eu de moments difficiles, des hauts et des bas, des avancées et des retours en arrière, bien sûr il y a eu tout ça, mais heureusement, car ça fait partie de la vie! Rien n'est linéaire. Enfin pas chez moi en tous cas :)
Nous sommes au mois de Mars et notre fils qui a bientôt 11 ans a retrouvé son sourire et ses élans. Il va bien, il s'est épanoui comme une fleur, il rit de bon coeur, il va vers les autres, il a retrouvé sa curiosité et son avidité, il pose des questions, il s'intéresse à des tas de choses. C'est un pur bonheur de le voir ainsi et d'être à ses côtés au quotidien. Finis les blocages sous le matelas, finies les paralysies insurmontables. Chaque problème est posé, on peut en discuter, on peut chercher des réponses adaptées en prenant en compte les impératifs et les besoins de chacun. Quels progrès, c'est incroyable!
Le sentiment qui me reste après ces quelques années de pratique, d'observation, de questionnements, de réflexions face à l'école : privé, public, hors contrat, sous contrat, méthodes, peu importe. L'école c'est avant tout une histoire de rencontre. Nous sommes des êtres de lien et la seule chose qui compte, c'est ce lien qui se tisse entre l'enfant et son enseignant, l'humanité qui en découle. Il y a des relations qui abiment et il y en a d'autres qui rendent plus fort, qui donnent confiance, qui équilibrent et qui réparent. Merci à ces enseignants-là, qui malgré tous les défauts d'un système qui ne me convient guère savent nous ramener à l'essentiel et sèment des graines pour l'avenir de nos enfants. Main dans la main avec les parents.
Moi j'ai quitté le navire et c'est ce dont j'avais besoin, mais bravo à eux, et merci. Sincèrement.