littérature de jeunesse
Petit hors sujet (qui n'en pas vraiment un au final) sur la littérature de jeunesse.
Ce que je cherche aujourd'hui dans la littérature de jeunesse, c'est qu'elle bouscule les adultes, qu'elle soit du côté des enfants, qu'elle bouscule les convenances.
Je ne supporte plus qu'une grande majorité des bouquins que j'ouvre soient au final moralisateurs (et souvent de manière déguisée, genre je prends le point de vue de l'enfant mais en fait je te le fais à l'envers et je défends les intérets des adultes en quête d'outils pédagogiques et éducatifs).
C'est depuis peu d'ailleurs que ça m'a sauté aux yeux, avant je ne m'en rendais pas compte. C'est peut-être aussi à force d'en lire, ça affine l'esprit critique?
Je trouve que beaucoup de livres servent à enseigner le droit chemin. Ils se font le relais des parents et des éducateurs pour poser des limites ou établir des règles (chacun dort dans son lit, aller à l'école avec plaisir, être poli, dire non....) en faisant fi du vécu de l'enfant. Le point de vue de l'enfant est en fait présenté comme une passade jusqu'à ce qu'il retrouve enfin le droit chemin et comprenne que c'est les adultes qui avaient raison, et que c'était pour son bien en fait, le temps qu'il grandisse et comprenne.
Je ne parle pas que des Tchoupi et autres petits ours bruns, non, je parle de bouquins de littérature jeunesse, qui à côté de ça sont bien écrits, sont intéressants, novateurs, poétiques sur beaucoup d'autres aspects.
Ces bouquins-là aujourd'hui m'étouffent.
C'est pourquoi j'aime (j'aimais déjà avant mais je ne savais pas dire pourquoi) Claude Ponti par exemple et son joyeux bordel de poussins. Le règne des éclapatouiillures, des mégagigantorigolades, des salle de bains inondées, des petits pois qui volent. Le monde des enfants quoi. (pour le plaisir http://www.babelio.com/livres/Ponti-Blaise-et-le-chateau-dAnne-Hiversere/10253
J'aime l'absurdité de Philippe Corentin ou bien les codes sociaux revisités avec Les p'tites poules ( http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/36256-coup-de-foudre-au-poulailler ) où le héros est un ptit poulet rose et l'héroïne une poulette qui n'a pas froid aux yeux.
J'aime la question de la fessée abordée par Olivier Douzou avec toute sa complexité dans ce bouquin magnifique http://www.ricochet-jeunes.org/livres/livre/17376-le-conte-du-prince-en-deux-ou-l-histoire
Ces réflexions sur la morale des bouquins sont d'actualité chez moi en ce moment. Mes enfants sont fans de Pinocchio qu'ils regardent en boucle depuis une semaine.
Pinocchio c'est trop pour moi :) La marionnette qui doit mériter de devenir un vrai petit garçon en étant obéissant et gentil. Les méchants garçons qui fument, boivent de l'alcool, se bagarrent, n'aiment pas l'école, font du théâtre (ouche, faire du théêtre c'est mal !) deviennent des ânes. Ils sont punis. Et quand les enfants mentent les adultes le savent toujours parce que ça se voit, leur nez s'allonge.
Les gentils garçons par contre sont obéissants, raisonnables, attentionnés, généreux, responsables. Ils ne se laissent pas sortir du droit chemin. Ils sont récompensés.
.... Au secours!!!!!
Mes enfants adorent, ils y trouvent leur compte et je suis ravie pour eux. Je regarde avec eux, j'en parle avec eux... Mais moi, je grince :)
Alors en même temps chez Walt Disney, on y va quand même en connaissance de cause! On est avertis du côté manichéen de la morale (et encore, ça tend à s'émanciper je trouve avec les derniers dessins animés) et on y va pour ça! Ca fait partie du pack complet!
Là où je suis surprise, c'est quand je trouve cette tendance bienséante et moralisatrice déguisée (ou pas) chez des auteurs jeunesses reconnus. Par exemple, je trouve qu'il y a beaucoup de moral dans les magasines Bayard (que j'adore malgré tout), comme Tralalire. Pas toujours, mais souvent quand même. Ca m'interroge tout ça. Je trouve que ça détourne l'intérêt même de la littérature.
Et pour relier cet article à mon blog, je voulais conclure qu'en tant qu'enseignante, j'aimerais une vraie bibliothèque de classe avec des bouquins que j'aime, reliés, mis en valeur... Pour donner aux enfants l'envie d'aller les regarder de plus près (souvent les biblis de classe sont faites avec de vieux bouquins qui donnent pas trop envie). Et je voudrais des livres variés, certains avec des codes ultra classiques, et d'autres avec des manières de penser qui bousculent les codes classiques et font réfléchir un peu plus loin.
Je déteste les classifications bonne littérature, mauvaise littérature. Comme l'écrit Pennac (j'adore Pennac!) , on entre dans la littérature par le chemin que l'on veut. Tout est bon à lire quand ça nous plait, quand ca nous parle. Et au fil du temps, au fil des rencontres et des expériences, les goûts s'affinent. Ca appartient à chacun et c'est tant mieux!
Alors lisons des BD, des mangas, des Jules Verne, des tchoupi... Lisons avec plaisir, pour leur plaisir et pour le notre, lisons et parlons, échangeaons, écoutons leur avis qui n'est pas le notre et découvrons de nouveaux horizons ensemble!
Il faut de tout, parce que ce qui est bon dans la littérature, c'est la diversité, c'est le choix. Même en classe (surtout en classe). Il n'y a pas à juger de bons ou de mauvais livres. Il y a à multiplier les contacts au livre, à affiner l'esprit critique de chaque enfant par rapport à ce qu'il est, à ce qu'il aime, à ce qui fait écho en lui. Lui permettre aussi de prendre du recul, de comprendre la forme, le fond, les messages cachés...
Permettre aussi aux enfants d'emmener leurs livres. Dans ma classe, j'avais organisé une mini bibliothèque où je notais qui apportais quel livre et qui l'empruntait. J'aimais bien ce concept.
Permettre aussi aux enfants des temps de lecture où ils peuvent lire comme bon leur semble (à plat ventre, les pieds en l'air...) comme dans le reportage sur l'école en Suède.
Lire c'est intime, et en même temps c'est le monde. C'est moi et en même temps c'est l'autre. Quelle richesse inépuisable...
Bonne journée à vous! Beau printemps à venir et belles lectures en famille ou à l'école!