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SOPHIE et GERALDINE Assistantes Maternelles Agréées à Soisy-sous-Montmorency (95)
19 novembre 2012

Le conte du prince en deux ou l'histoire d'une mémorable fessée, Olivier Douzou

 

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Voici un livre que j'ai depuis un petit moment et que j'apprécie beaucoup. C'est un livre pour enfants, un livre sur la fessée. Un livre intelligent qui laisse la place à l'imaginaire et qui fait juste réfléchir.

C'est un livre assez complexe, car la véritable "histoire" se trouve dans l'histoire, au milieu du livre, sous la forme d'un conte.

Le livre commence par une question: pour ou contre la fessée?

On découvre l'avis d'une maman interrogée qui s'exprime sur le sujet alors qu'elle emmène son petit garçon à l'école. L'auteur touche du doigt le paradoxe entre nos idées (nos principes) et nos actes (ce qu'on donne à voir à nos enfants).

Cette maman donc est "totalement opposée" à la fessée, elle argumente au fil des pages alors que son petit garçon essaie d'attirer son attention en lui coupant la parole toutes les deux secondes (vous connaissez ça, non? :) )

On sent la colère de cette maman qui monte au fil des pages parce qu'elle essaie de parler (et de transmettre de belles idées au monsieur qui l'interroge) et cet enfant qui utilise toute son énergie à ramener sa mère à la réalité.... (maman au lieu de parler, occupe-toi de moi!!!!)

La maman dépose son enfant à l'école. La journée se passe, l'enfant dans sa classe est amené à réfléchir à cette histoire de fessée, on découvre le point de vue de plusieurs enfants sur cette question et le livre continue avec un conte magnifique, le conte du prince en deux, un enfant coupé en deux, à cause d'une fessée. Conte magnifique, vraiment, plein de symboles et de finesse sur les dégâts invisibles des châtiments corporels quels qu'ils soient.

" Cet enfant, il s'appelait Charles-Edouard et, au début, il était fils unique. Mais après la fessée, il devint deux princes... Personne, à part le roi et la reine, ne le savait. Donc, ce prince en deux vivait curieusement: l'une de ses moitiés en voulait à son père de l'avoir battue et l'autre moitié faisait comme si de rien n'était..."

" Le roi avait isolé dans la plus haute tour du château cette moitié qui criait à l'injustice; ce demi-prince était très en colère d'autant que l'autre moitié, la plus docile, allait dans tout le royaume pour se montrer. Mais elle se montrait toujours de profil."

"Ainsi, chacune des moitiés du prince en deux grandit séparément. L'une enfermée... l'autre, se contenant de son sort, paradait de son côté..."

Et la chute du conte est particulièrement amusante... mais je ne la dévoilerai pas ;)

A la fin de la journée, la maman du début vient rechercher son petit garçon à l'école. Cette maman semble à fleur de peau, agacée par ce petit garçon ne répond pas à ses attentes et sur le chemin du retour c'est un florilège d'incompréhensions, d'impatience et de reproches  ("tu pourrais répondre au moins", "ce n'est pas comme ça qu'on demande", "mais tu me casses les oreiles avec tes bonbons. Tu sais, il y a des choses qu'il va falloir corriger.") jusqu'à la chute finale... la fameuse fessée.

Avec une maman qui était contre la fessée, en théorie, mais bon "celle-là au moins tu ne l'auras pas volée..."

 

Les illustrations de Frédérique Bertrand sont minimalistes, simples et poignantes, beaucoup de rouge aux endroits clés. Les mots font partie de l'image, ça rend un effet de réel que j'aime beaucoup.

Bref le livre pose la question dans toute sa complexité. C'est un beau livre, un livre qui accompagne (les parents comme les enfants), qui peut se lire dès la fin de la maternelle, de manière allégée ou complète, il y a tellement de degrés de lecture différents. Mais mon fils l'a surtout réclamée aux alentours de 7 ans mais ça peut aller largement jusqu'à la fin du cycle III.

C'est un livre que je garde toujours à portée de mains et que je vais ressortir à mes loulous tiens, ça fait longtemps qu'on ne l'a plus lu.

Il ne suffit pas d'avoir de belles idées, de grands principes. L'auteur nous met face à nos reflexes, face à nos mécanismes de défense. Il n'y a pas que les autres qui corrigent leurs enfants. Ce reflexe éducatif est en chacun de nous et c'est vraiment un poison, on s'en rend compte dès qu'on choisit de s'en défaire... c'est un long chemin.

Que l'on soit pour, que l'on soit contre, que l'on en donne par défaut ou par conviction, parce qu'on ne sait pas vraiment faire autrement, par facilité, par manque de soutien et d'alternative, et même quand on n'en donne plus, nous flirtons tous, de manière plus ou moins consciente avec la violence éducative ordinaire. Et c'est important, je trouve, de s'arrêter pour réfléchir à tout ça, de tenter de se défaire de nos mécanismes, de retrouver l'enfant qu'on a été, d'entendre l'enfant que l'on a en face de nous, cet adulte en devenir...

On gagne toujours à prendre du recul, à revenir sur ce que l'on fait.

J'aime aussi parce que ce livre souligne la fragilité entre impression et réalité et les tabous qui ont la peau dure quant à la violence fait aux enfants... Les enfants de cette histoire sont curieux d'entendre les avis des autres sur le sujet, mais ils sont méfiants, ils ne veulent pas croire que c'est vrai ou que ça peut les concerner. Bien sûr la fessée, c'est mal, mais ca se passe ailleurs, ça ne se passe pas chez moi... chez moi ce ne sont pas de vraies fessées etc....

Vraiment un livre très fin, à lire et à relire. Mais un livre complexe, et très différent de ce que l'on a l'habitude de lire. Ca peut surprendre, on peut ne pas savoir comment le lire... C'est un livre à part, un livre résistant qui demande que l'on soit acteur de la lecture. Il faut y mettre un peu de soi...

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Et j'aime tellement Olivier Douzou que je vais pour Noël nous offrir à mes loulous et à moi ce Boucle d'or et les 3 ours que je viens tout juste de découvrir et qui a tout pour plaire :) 

c'est par ici: http://leslecturesdekik.blogspot.fr/2012/10/boucle-dor-et-les-trois-ours-olivier.html?showComment=1353329622118#c8974636359863387565

 

 

 

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Commentaires
G
ça ne s'invente pas ma Clem... on est connectées ou on ne l'est pas ;)
K
aah cette fameuse longueur d'onde, on la retrouve souvent n'est-ce pas ^^ ? <br /> <br /> Oui, la violence ordinaire ne passe pas que par la fessée. Et ces autres violences ordinaires sont bien plus sournoises car souvent elle n'est pas reconnue, même des années plus tard...<br /> <br /> <br /> <br /> A l'occasion, oui, je lirais Miller, quand j'aurai un peu de temps :)
G
carrément sur la même longueur d'onde. Le baromètre pour moi, c'est le ressenti de l'enfant.<br /> <br /> Ses peurs, ses craintes, ses limites...<br /> <br /> Il ne suffit pas d'enlever la fessée pour enlever la violence ou la crainte.<br /> <br /> Ni de laisser l'enfant faire tout et n'importe quoi.<br /> <br /> L'important c'est la relation.<br /> <br /> <br /> <br /> Arrêter de se flageller, ça c'est le premier point vital pour moi (et ca me vient pas naturellement). Prendre soin de soi.<br /> <br /> Entendre la souffrance de ses enfants, c'est le second. Il y a ma version de notre histoire, ce que je pense, ce que je ressens. Et il y a (et il y aura à mesure qu'ils grandiront) leur version, leurs souvenirs, leurs manques, leurs souffrances... <br /> <br /> <br /> <br /> Je te conseille de lire Alice Miller à l'occasion. Il y a plusieurs livres, sur différents sujets. http://uneautreecole.canalblog.com/archives/2012/11/12/25566460.html<br /> <br /> c'est dur à lire, ça remue, mais elle touche du doigt la voix de l'enfant, c'est très troublant. (la voix de l'enfant en général, et la voix de nous même quand nous étions enfant)<br /> <br /> bisous
K
Je suis complètement d'accord avec ce que tu dis. Et je n'ai pas pensé une demi-seconde que cette fessée était pour son bien. J'ai juste vu qu'elle avait compris que les parents aussi peuvent être faillible. D'ordinaire, même si de temps à autre je hausse le ton, je discute toujours avec Zoé. Pour tenter de lui faire comprendre pourquoi telle ou telle chose, et / ou alors comprendre pourquoi elle a agi et reagi de cette façon. <br /> <br /> Je ne lui en ai mis une, mais j'espère que ce sera la dernière. Je suis aussi intimement convaincue qu'il y a d'autres façons de faire.<br /> <br /> <br /> <br /> Cela dit, je pense aussi à ma propre éducation. Je n'ai jamais, jamais eu de fessée, il n'y a jamais eu de violence à la maison. Cependant, j'ai longtemps eu peur de mes parents, et on me considérait une enfant sage. Forcément, j'avais tellement peur de leur dire certaines choses, que je restais dans mon coin. <br /> <br /> Et pourtant, jamais je n'ai été frappé.<br /> <br /> <br /> <br /> Alors ? Par où passer pour que Zoé comprenne à la fois qu'elle doit nous écouter, et le tout sans lui faire peur à un moment X ? La laisser libre de tous ces choix, de toutes ces décisions ? C'est impossible à son âge. <br /> <br /> Et moi aussi, j'aime échanger autour de ça, car l'éducation est vraiment un acte tout en subtilité.<br /> <br /> Mais, autant je crois à l'éducation douceur, autant je crois qu'il faut qu'on arrête de culpabiliser pour ce que nous sommes, pour ce que nous avons fait. On ne peut être parfait, et accepter qu'on se trompe, et chercher autrement sans se flageller, est à mes yeux tout aussi important. <br /> <br /> Bisous !
G
coucou ma clem, merci pour ton partage d'expérience.<br /> <br /> Je comprends ton point de vue pour l'avoir longtemps partagé. Avant, en bonne théoricienne, j'étais plutôt contre la fessée.<br /> <br /> Et puis j'ai eu des enfants. Et j'y suis venue alors qu'ils entraient dans l'âge un peu tendu où ils touchent à tout et n'en font qu'à leur tête (genre à l'âge de Zoé ^^)<br /> <br /> Quand j'étais en rapport de force et que je terminais par une fessée ou des cris... je me sentais souvent mal. Alors, je me suis mise à réfléchir. J'ai commencé par faire des distinctions entre les bonnes et les mauvaises fessées. Pour justifier les miennes tout en continuant à condamner les autres, celles qui font du mal aux enfants. <br /> <br /> J'ai même fini par penser sincèrement que je faisais ça pour leur bien.<br /> <br /> Aujourd'hui, je ne peux plus. Et je regrette d'avoir fait ce que j'ai fait (mais on avance comme on peut).<br /> <br /> <br /> <br /> Il n'y a plus de bonne fessée pour moi, ni de bonne punition. Vouloir montrer l'exemple et poser des limites par la peur, par la contrainte ou par la force, ce n'est plus envisageable. Ca m'a pris une grosse année pour venir à bout de ce poison, c'est tellement ancré en nous, il n'est pas naturel de faire autrement.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais, en tant qu'adulte, j'ai les moyens de chercher d'autres outils pour poser mes limites. <br /> <br /> <br /> <br /> On a toujours le choix d'utiliser ou non la violence, de différer ce qui nous semble inacceptable sur le moment, d'évacuer notre colère ou notre ras le bol ailleurs que sur nos enfants.<br /> <br /> Au delà de nos discours, au delà de nos idées, de nos valeurs, nos enfants s'impregnent de ce que nous sommes et de nos actes au quotidien. <br /> <br /> <br /> <br /> User de force ou de chantage sur un plus petit pour asseoir mon autorité et mes limites en tant qu'adulte pour moi c'est niet.<br /> <br /> Ces limites que nous ressentons violemment parfois et auxquels nos enfants nous renvoit sont à prendre très au sérieux. Il ne faut pas les ignorer, ni les laisser passer. <br /> <br /> Mais je préfère les prendre en charge en tant qu'adulte sans les déverser sur mes loulous. Je place ici mon "rôle" d'adulte référent et responsable.<br /> <br /> Et surtout, surtout, je me méfie plus que tout du "c'est pour son bien". Dès que je m'entends penser cela, je tire la sonnette d'alarme...<br /> <br /> <br /> <br /> Bon chemin à vous en tout cas, c'est passionnant toutes ces questions que nous avons à nous poser au contact de nos loulous, on grandit, on change avec eux... moi j'adore ça.<br /> <br /> bisous
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